28.04.2017

Un militant s'exprime...

Le jour où je fête le troisième anniversaire de mon premier jour de travail à la Fédération Familles de France, j'apprends de manière officielle ce que malheureusement je savais déjà officieusement : une autre Fédération d'éducation populaire, une vétérane, une survivante, vient de déposer le bilan, faute de moyens. 11 salariés désormais sans emploi qui n'ont pas eu le temps d'expliquer aux 80 associations adhérentes, des centres aérés et des séjours qui n'auront pas lieu, des actions contre l'illettrisme qui disparaissent, des accès à la Culture en milieu rural qui périclitent, des formations BAFA et bénévoles associatifs qui s'évaporent.

A qui la faute ? A des subventions nationales qui s'amenuisent inversement proportionnellement à ce que l'on demande comme investissement aux associations. Entre autre.

 

Je sais bien. Je sais que les mouvements d'éducation populaire sont pour beaucoup comme le H de Hawaï : au mieux incompréhensible quant à leur intérêt,  au pire, inutile.

Je sais bien. Je sais que pour beaucoup les animateurs socioculturels sont de vieux soixante-huitards aux cheveux longs qui grattent les quatre cordes d'une guitare (la cinquième a cassé et l'animateur est trop mou du genou pour la changer c'est bien connu) en tirant sur un joint de ganja à la lueur d'un feu de camps.

Ça serait plus facile si c'était vrai ...

 

Aujourd'hui, un animateur socioculturel doit avoir Bac + pour remplir toujours plus de dossiers : projets pédagogiques,  éducatifs, PSO, EVS, CEJ, contrats d'objectifs ...

Un animateur doit donner du sens avant pendant et après chacun de ses mouvements auprès des institutions, sous peine de se voir retirer toute chance d'action.

Un animateur doit s'occuper d'enfants en composant avec une réglementation, certes absolument et catégoriquement nécessaire, mais toujours plus lourde.

 

Je m'arrête là.

 

Demain, mes collègues iront donner le meilleur d'eux-mêmes au périscolaire et écouteront sans doute une maman raconter ses difficultés d'élever seule ses enfants, un papa qui sourira devant ses rejetons et qui expliquera en off que s'il est en retard c'est parce-que la mère de famille est gravement malade. Et mes collègues partiront plus tard.

 

Demain, nous terminerons un dossier qui devra nous aider financièrement à accueillir des enfants handicapés cet été en centre aéré, afin de ne pas faire supporter aux parents le surcoût d'encadrement, afin de former nos équipes. Je suppose que la maman que j'ai eu au téléphone ce matin, dont les deux enfants souffrent de troubles autistiques et qui galère à trouver un centre qui les accepte, sera pour le moins soulagée. Peut-être qu'il faudra juste passer encore une nuit sur ce dossier pour le finir.

 

Ce mois-ci, nous allons défendre notre projet d'actions dans les quartiers, pour éviter que notre agent d'entretien se fasse crever les pneus parce-qu’ il a un peu trop gêné les caïds du coin, ou encore parce-que des gamins de 6 ans traînent au milieu des plus grands car les parents n'ont d'autre choix que de travailler.

Au fait, pas de récupération : la "racaille de quartier" n'a pas de couleur. Mais seuls ceux qui y vont peuvent le savoir.

 

Cet été, mon collègue et moi allons diriger un centre de 150 enfants, pendant 40 jours, 24 heures sur 24, avec l'aide d'animateurs. Vous savez, cette race de jeunes qui passent un BAFA même pas reconnu comme diplôme professionnel et qui sont souvent regardés comme des fainéants qui ne font même pas un vrai métier. Ils vont tacher de faire comprendre qu'on s'en fout de la couleur de peau, que les différences sont plus jolies quand elles sont mélangées, que le respect de l'autre passe par le respect de soi.

 

Nous portons et allons porter haut les couleurs de l'éducation populaire. Nous travaillons, très modestement, à accompagner les citoyens de demain ... vous savez, ceux qui voteront après nous.

 

Pour combien de temps encore ?

 

Nous ne travaillons pas en usine, nous ne produisons pas d'argent, nos voix ne sont pas décisionnaires, nous ne spéculons pas, et non nous n'avons pas le métier le plus dur ni le plus exténuant du monde.

 

Mais c'est notre métier. Et il est utile. Réellement.

 

Arnaud Costa

Animateur socio culturel

Familles de France 57