
La publication du volet réglementaire concernant l’établissement des certificats de décès par les infirmiers diplômés d’État marque une réforme majeure dans l’organisation des soins en fin de vie et de la gestion des décès. Voici une analyse structurée de cette réforme, avec ses implications, enjeux et conditions :
Contexte et Genèse de la Réforme
Expérimentation initiale :
Une expérimentation a été menée dans 6 régions, autorisant les infirmiers à établir les certificats de décès dans certaines conditions en lieu et place des médecins.
Cette expérimentation a permis d'évaluer les impacts pratiques, juridiques et organisationnels de cette délégation.
Pérennisation via la LFSS 2025 :
L’article 56 de la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (LFSS n° 2025-199) pérennise cette possibilité.
Ce cadre législatif étend la possibilité aux infirmiers diplômés d’État volontaires, sous conditions réglementaires.
Fondement juridique
1. Code général des collectivités territoriales (CGCT) modifié par l'article L. 2223-42 : désormais, un infirmier volontaire peut établir un certificat de décès dans les conditions définies par décret.
2. Code de la sécurité sociale, article L. 162-12-5 : la Sécurité sociale prend en charge les frais d’examen liés à l’établissement du certificat par un infirmier.
Décrets et Arrêtés publiés (22 avril 2025)
Décret n° 2025-371 – Conditions d’habilitation des infirmiers
Conditions requises pour les infirmiers
- Diplôme d’État depuis 3 ans minimum
- Formation spécifique validée (article D. 2213-1-1-5)
- Inscription sur une liste départementale tenue par l’Ordre des infirmiers
Exclusions
- Décès dans des lieux particuliers (ex. : lieux de privation de liberté)
- Mort violente ou suspecte
- Cas relevant de l’article 81 du code civil (doute sur l’identité, violences...)
Responsabilité et devoir d’alerte
- L’infirmier doit faire appel à un médecin s’il ne peut établir seul les causes du décès.
- Obligation d’information du médecin traitant, coordinateur, ou responsable selon le lieu du décès.
Pouvoirs élargis
L’infirmier peut établir les autres documents consécutifs au décès (comme les médecins selon le CSP, art. R. 4127-76).
Arrêté du 22 avril 2025 – Formation obligatoire
Contenu de la formation (12 heures minimum)
- Module 1 : Statistiques et examen clinique
- Module 2 : Cadre administratif et juridique
- Module 3 : Système d’information
Possibilité de module complémentaire facultatif.
Délivrance d’une attestation par organisme certifié (transmise à l’Ordre infirmier).
Décret n° 2025-370 – Modifications terminologiques
Remplacement du mot « médecin » par « professionnel de santé mentionné au L. 2223-42 » dans plusieurs articles du CGCT.
Conséquences pratiques
Avantages
- Réduction des délais d’établissement des certificats de décès, notamment en zones rurales ou en cas de pénurie de médecins.
- Meilleure prise en charge des familles dans les moments critiques.
- Valorisation du rôle des infirmiers dans le parcours de soins.
Points de vigilance
- Formation adéquate, notamment pour identifier les signes de mort suspecte.
- Éviter les abus ou dérives en assurant un cadre strict de supervision et de contrôle.
- Suivi de l’impact sur le plan médico-légal et les statistiques de mortalité.
Conclusion
La réforme du certificat de décès confiée aux infirmiers, désormais encadrée par le décret et les arrêtés du 22 avril 2025, constitue une avancée pragmatique et structurante. Elle répond à des défis de terrain tout en exigeant un encadrement strict. Ce transfert partiel de compétence repose sur le volontariat, la formation, et un cadre clair, garantissant à la fois efficacité et sécurité juridique.