Projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014

Paris le 23 octobre 2013

Mesdames, Messieurs, les Députés,
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est très attendu : parce qu’en temps de crise il faut rééquilibrer les comptes de la protection sociale, mais aussi parce qu’en période de rigueur fiscale il faut donner un peu de marge budgétaire aux familles, enfin surtout parce que depuis le début de l’année le gouvernement a fait beaucoup d’annonces sur la politique familiale qui – outre les propositions discutées en même temps dans trois autres textes (le projet de réforme des retraites, le projet de loi de finances et le projet de loi sur l’égalité femmes-hommes) – doivent pour beaucoup voir le jour dans le présent texte.
Toutes ces mesures, malgré les promesses attendues ou exaucées de revalorisation du complément familial ou de l’allocation de soutien familial, ne peuvent masquer l’austérité de ce texte, en particulier la réforme de la PAJE, symboliquement dure puisqu’elle touche à la petite enfance, et financièrement très amère pour les familles avec la non-revalorisation de l’allocation de base pour les années à venir.
Le 3 juin dernier le Premier ministre avait bien annoncé devant le Haut conseil de la famille une rénovation de politique familiale, mais qui n’en remettrait pas en cause les principes. Or une politique familiale qui baisse certaines prestations et n’en revalorise pas d’autres est une politique austère. Il serait malhonnête de la présenter autrement. Et les enfants sont – on le sait – les premières victimes de la crise économique et des politiques d’austérité.
Ces mesures, austères donc, devrait permettre de ramener le déficit de la branche famille à -2,3 milliards d’€. Déficit et financement de la branche famille : un sujet qui appelle particulièrement l’attention et qui sera au coeur du débat puisque la cotisation famille devrait baisser (pour compenser la hausse de la cotisation vieillesse) et que la CNAF devrait bénéficier de l’affectation des recettes fiscales supplémentaires liées à la baisse du plafond du quotient familial. Un jeu de transferts qui nous interroge sur la pérennité des recettes de la branche (comme il en est des majorations des pensions de retraite des familles de trois enfants et plus, majorations payées par la branche famille, qui seront désormais fiscalisées – donc repayées par les retraités – et dont les recettes fiscales serviront à financer finalement la branche vieillesse…).
Une politique familiale cohérente, c’est une politique qui couvre universellement toutes les familles, aussi bien par des prestations que par des services. Une politique familiale juste, c’est une politique qui investit dans l’avenir en compensant réellement les charges d’enfants. Ce texte est loin du compte.

Patrick Chrétien, Président - Familles de France

 Article 55 - Majoration du complément familial

D’ici à 2018 le complément familial sera revalorisé de 50% pour les familles aux plus bas revenus, soit à terme un gain réel pour ces familles de 90 €/mois. Cette mesure concernerait presque 400 000 familles.

Le complément familial est une prestation versée aux familles nombreuses (trois enfants et plus) sous condition de ressources. Elle bénéficie aux familles dont les enfants ont entre 3 et 21 ans.
Cette mesure introduit un nouveau plafond de ressources pour bénéficier de ce complément familial majoré : la majoration concerne en effet les familles situées « en dessous du seuil de pauvreté », soit en dessous du plafond actuel du complément familial. Le complément familial est perçu aujourd’hui par plus de 850 000 familles : la majoration  pourrait toucher plus de 40% des bénéficiaires.
Les familles nombreuses sont particulièrement vulnérables : elles sont surreprésentées dans les indicateurs de pauvreté, mais aussi parmi les foyers mono-actifs (plus le nombre d’enfants est grand et plus un parent, presque toujours la mère, risque de cesser son activité professionnelle pour s’occuper de la famille). Ces familles ont donc particulièrement besoin d’une compensation de leurs charges de famille.

Situation actuelle (montants 2013)

CF : 167,34 €/mois

Nbr d'enfants à charge

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou couple 2 revenus d'activité

3

36 599 €

44 772 €

4

42 699 €

50 872 €

enfant en +

6100 €

6100 €

Proposition PLFSS 

 

CF Majoré

CF : 167,34 €/mois (montant 2013)

Nbr d'enfants à charge

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou couple 2 revenus d'activité

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou couple 2 revenus d'activité

3

18 301

22 388

36 599 €

44 772 €

4

21 351

25 438

42 699 €

50 872 €

enfant en +

3 050

6100 €

6100 €

 

Réforme de la PAJE

La PAJE et ses différentes composantes devraient faire l’objet d’une refonte :

  1. modulation de l’allocation de base (montant divisé par deux pour les très hauts revenus) et alignement de son montant sur celui du complément familial (article 56)
  2. suppression du CLCA majoré et modification des conditions d’ouverture des droits (article 57)
  3. modification de CMG-structure pour contrôler la tarification horaire des microcrèches et modification des conditions d’ouverture des droits (article 58)

Créée en 2004, la PAJE accompagne l’accueil du jeune enfant sur plusieurs plans :

  1. prestation financière de 0 à 3 ans
  2. aide à la garde d’enfants de 0 à 6 ans
  3. indemnisation des cessations d’activité

Elle bénéficie aujourd’hui à plus de 2 millions de familles : elle couvre donc près des deux tiers des enfants de moins de six ans, et neuf enfants de moins de trois ans sur dix. L’allocation de base (et les primes de naissance et adoption) concernent plus de 80% de ces familles, les prestations de garde (CMG) près du tiers, et les allocations compensant les réductions ou les arrêts d’activité près du quart. Des éléments qui doivent nous rappeler les leçons fondamentales de la politique familiale :

  • l’accueil de l’enfant passe par des prestations financières. Il est vite fait de décrier ces dernières en temps de crise, mais elles restent pourtant une intervention majeure pour les familles. 
  • la conciliation des temps passe par le libre-choix des parents, en offrant des possibilités d’arrêter ou de ralentir son activité professionnelle tout comme en proposant des équipements pour accueillir les enfants (et surtout, comme le permet la PAJE, en cumulant les deux).

1. Article 56 - Modulation de l’allocation de base (montant divisé par deux pour les très hauts revenus) et alignement de son montant sur celui du complément familial 

Concernant la prestation financière principale (allocation de base), le projet de loi prévoit à la fois un montant réduit pour les hauts revenus (10% des bénéficiaires, soit presque 200 000 familles), et une non-revalorisation de la prestation jusqu’à ce que son montant soit égal à celui du complément familial (l’allocation de base est actuellement de 184,62 €/mois, contre 167,34 pour le complément familial). Deux mesures que Familles de France ne peux pas accepter.  

  • La non-revalorisation et la réduction d’une allocation est un mauvais signe à envoyer aux familles : outre le fait qu’elle ne fera qu’accroître leurs contraintes matérielles, elle ébranle tout simplement leur confiance. 
  • Ce nom, prestation d’accueil du jeune enfant, n’est pas que symbolique : la PAJE bénéficie aux jeunes familles, dès leur premier enfant. Ces jeunes familles touchées par ces réductions, c’est tout un projet parental qui est mis à mal. 
  • L’allocation de base dépend déjà du revenu des parents puisqu’elle est sous condition de ressources : Familles de France ne voit pas d’intérêt à ce que cette condition soit en plus doublée d’une minoration du montant pour les hauts revenus. 
  • Puisqu’il est prévu un complément familial majoré pour les très bas revenus, l’alignement des montants portera t’il jusque-là pour créer un montant majoré de l’allocation de base pour les familles en dessous du seuil de pauvreté ? S’il s’agit d’aligner vers le bas, et jamais vers le haut, les familles ne seront pas dupes ! 
  • L’alignement de l’allocation de base et du complément familial pose quelques interrogations, compte tenu de la nature des prestations : l’une est versée dès le premier enfant, l’autre pour trois enfants ou plus ; l’une est versée de 0 à 3 ans, l’autre de 3 à 21 ans ; les deux sont sous condition de ressources mais les plafonds appliqués sont différents…  

 Tout cela parce que les objectifs de ces prestations ne sont pas les mêmes : l’une à l’objectif d’accompagner la naissance de l’enfant, qui bouleverse la vie familiale et la vie professionnelle, quand l’autre s’adresse spécifiquement à ceux qui ont les plus lourdes charges de familles, les familles nombreuses. On ne peut pas réformer la politique familiale, calculer les économies à faire, sans s’interroger sur l’utilité/efficacité des prestations face à l’objectif qui leur est assigné : sur ce plan la PAJE donne grande satisfaction. L’argument qui voudrait que l’on aligne les montants de ces deux prestations dans un souci de cohérence ne peut tenir, puisque leurs conditions, plafonds, et objectifs restent fondamentalement différents.

Situation actuelle (montants 2013)

 

CF : 167,34 €/mois

Nbr d'enfants à charge

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou

couple 2 revenus d'activité

3

36 599 €

44 772 €

4

42 699 €

50 872 €

enfant en +

6100 €

6100 €

Proposition PLFSS

 

CF Majoré

CF : 167,34 €/mois (montant 2013)

Nbr d'enfants à charge

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou couple 2 revenus d'activité

Couple un seul revenu d'activité

Parent isolé ou couple 2 revenus d'activité

3

18 301

22 388

36 599 €

44 772 €

4

21 351

25 438

42 699 €

50 872 €

enfant en +

3 050

6100 €

6100 €


2. Article 57 - Suppression du CLCA majoré et modification des conditions d’ouverture des droits

Actuellement les personnes qui perçoivent le CLCA mais dépassent les plafonds de ressources pour percevoir l’allocation de base bénéficient d’une majoration de montant de leur CLCA (en fait strictement égale au montant justement de l’allocation de base, 184,62€) : cette majoration va disparaître, laissant un montant unique du CLCA (en 2013 entre 144,77€/mois et 388,19 en fonction du temps de travail). Cette baisse de droit concernerait 10% des bénéficiaires du CLCA (quelques 55 000 familles). Une mesure qui se cumule donc avec la non-revalorisation de l’allocation de base (sa réduction pour certains), et une prestation qui dans son ensemble va être très largement réduite pour certaines familles. Une orientation que Familles de France ne comprend pas : 

  • Le taux de satisfaction et le taux de couverture de la PAJE sont excellents : pourquoi briser une dynamique qui a tout pour fonctionner ?
  • Familles de France s’interroge sur les effets cumulés et contre productifs des réformes successives du congé parental : d’abord dans la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes l’introduction d’une période de six mois partagée, essentiellement à destination des pères pour qu’ils aient plus recours au dispositif, et ici dans le présent texte une réforme de la PAJE qui viendra possiblement réduire l’indemnisation au cours du congé parental de manière significative. On sait que les arbitrages financiers sont un des facteurs déterminants pour la famille dans le choix des cessations d’activité. On sait également que plus le salaire est élevé (étant donné les distorsions du marché du travail, le plus souvent le cas du père), plus le taux de remplacement de la prestation est bas, et moins la cessation d’activité est attractive. On souhaite donc inciter les pères à réduire leur activité professionnelle, en réduisant dans le même temps certains montants de la PAJE ? On peut douter que beaucoup de familles soient convaincues.

 

Situation actuelle (montants 2013) 

Proposition PLFSS(situation hypothétique montants 2013)

En cas de non-perception de l’allocation de base

Taux plein

Taux partiel <50%

Taux partiel entre 50 et 80%

572,81 €/mois

 435,57 €/mois

 329,38 €/mois

388,19 €/mois

 250,95 €/mois

 144,77 €/mois

En cas de perception de l’allocation de base

Taux plein

Taux partiel <50%

Taux partiel entre 50 et 80%

388,19 €/mois 

250,95 €/mois 

144,77 €/mois

388,19 €/mois 

250,95 €/mois 

144,77 €/mois

 Par ailleurs les travailleurs non-salariés faisaient l’objet de conditions discriminatoires face aux autres bénéficiaires du CLCA : s’ils faisaient le choix de travailler à temps partiel, ils ne pouvaient bénéficier du complément que s’ils justifiaient de percevoir certains montants de ressources, une condition qui n’existent pas pour les autres catégories, ni dans la loi, et qui est donc logiquement supprimée dans le texte actuel. Il reste néanmoins que pour ces effets pratiques, les CAF s’interrogent sur la manière de vérifier le taux d’activité de ces professions (dont le temps de travail n’est pas formellement comptabilisé comme pour les professions salariées).


3. Article 58 - Modification de CMG-structure pour contrôler la tarification horaire des microcrèches et modification des conditions d’ouverture des droits 

Le complément du libre choix du mode de garde bénéficie aux parents qui font appel à une assistant(e)e maternel(le) ou à une garde à domicile, en direct ou par le biais d’une entreprise de services, ainsi qu’aux parents qui bénéficient d’une place en microcrèche : en tout plus de 870 000 familles. Les gestionnaires de microcrèches ont en réalité deux options pour leur financement : soit faire appel à la PSU comme toutes les autres structures d’accueil collectif du jeune enfant, soit laisser aux parents le bénéfice du CMG. En l’occurrence la majorité des microcrèches (57%) a opté pour la seconde option, bien moins contraignante, mais qui peut conduire à des différences tarifaires importantes pour les parents. Le texte prévoit de plafonner le CMG-structure pour encadrer le prix de ces établissements. En effet les établissements sous PSU sont tenus de respecter le barème CNAF, et le CMG-emploi direct est plafonné, seule subsiste donc la question du CMG-structure.

  • Il est nécessaire d’assainir la « concurrence » sur le secteur de la petite enfance : la réglementation notamment a créé de véritables décalages entre les équipements (collectif classique, microcrèches, maisons d’assistant(e)s maternel(le)s …), il est donc logique qu’un équipement similaire – microcrèche – soit l’objet d’une réglementation unique. 
  • Le secteur de la petite enfance est un service public, pas un marché concurrentiel traditionnel : pour que tous les parents aient accès à un mode de garde, il est essentiel de contrôler les pratiques tarifaires des établissements. 
  • Mais il est vrai que les équipements sont soumis à de lourdes contraintes budgétaires : les associations en particulier, importants gestionnaires des services du secteur, sont soumises à des coûts conséquents et subissent même des contraintes supplémentaires que les opérateurs privés (la convention Snaecso par exemple pour ce qui concerne les coûts de personnels). Il est essentiel de les soutenir et de les accompagner dans la transition : il en va du maintien des places, et de la diversité de l’offre de garde.
  • A ce stade des inégalités subsistent encore, notamment entre microcrèches et maisons d’assistant(e)s maternel(le)s : ces dernières sont susceptibles d’accueillir plus d’enfants qu’une microcrèche, sous réglementation bien moindre. Ce système reste donc injuste. 

Le texte vient également modifier les conditions pour bénéficier du CMG : actuellement les parents doivent justifier d’un revenu salarial minimum pour bénéficier du complément, condition qui devrait disparaître

  • Le CMG est une prestaton importante : elle a grandement contribué à la solvabilisation des gardes individuelles. Pour rappel le premier mode de garde payant en France est l’assistant(e) maternel(le). Elle est aussi la seule composante de la PAJE à subsister (à montant moindre) jusqu’aux 6 ans de l’enfant : alors que l’on parle beaucoup de transition petite enfance/école, elle en est un outil.
  • Pour Familles de France, il est fondamental que toutes les familles sans exception soient aidées. Certaines conditions de la PAJE, trop restrictives, sont effectivement à revoir : en l’occurrence certains parents aux très petits salaires étaient jusque là exclus du CMG, ce qui ne sera plus le cas désormais. C’est un progrès. Par contre la condition d’activité antérieure sur l’autre complément, le CLCA, est maintenue : elle est pourtant elle aussi à réviser. En effet elle conduit à exclure du CLCA des très jeunes mères souvent en début de carrière, des femmes en difficulté d’insertion sur le marché de l’emploi, qui n’ont pas travaillé assez longtemps pour bénéficier du CLCA. Or la prestation est un véritable outil de conciliation des temps qui sert de protection, notamment à ces catégories vulnérables le temps qu’elles bénéficient d’une réinsertion. CMG et CLCA ne s’opposent pas : ils peuvent se cumuler, et ils se complètent, pour assurer aux familles un parcours sans heurt et sans perte de droits entre leur vie familiale et leur vie professionnelle.

Article 59 - Logement

Absence de revalorisation des paramètres de calcul des aides au logement pour l’année 2014.

Familles de France désapprouve totalement cette mesure car elle est défavorable aux locataires qui voient pour la plupart leur bail revaloriser annuellement à date anniversaire (voire, à défaut, quand le bailleur ne l’a pas fait à la date convenue au contrat, rétroactivement sur 5 années). Le poste « logement » est un poste majeur de dépense dans le budget des familles donc une revalorisation du loyer sans revalorisation de l’aide y afférant constitue une véritable injustice et une baisse concrète du pouvoir d’achat des locataires.

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