16.11.2014

2 livres de Tal Ben-Shahal - Pshycologie positive

Aujourd’hui, ils sont assez nombreux ceux qui vous proposent le bonheur en 10 leçons, l’accès à la sérénité en trois semaines ou la réussite sans effort ! Alors, à quoi bon vouloir vous proposer de découvrir un homme qui semble appartenir à la même catégorie, à la même engeance ?

Une seule bonne raison pour me pousser à cela : l’auteur en question n’appartient pas à la même catégorie, c’est un vrai penseur, un grand acteur, un homme au sens plein du terme… tout simplement ! Tal Ben-Shahar a enseigné la psychologie positive à Harvard et c’est le cours qui a été le plus suivi dans toute l’histoire de la fameuse université américaine. On s’est déplacé pour l’entendre, on s’est connecté pour le voir, on a voyagé pour le rencontrer et trouver à ses côtés des solutions aux problèmes rencontrés dans la vie quotidienne. Ses livres ont été traduits dans tous les pays…

Il est d’ailleurs hors de question de vous parler de tous ses livres, de dresser un inventaire de ses actions, de promouvoir l’ensemble de ses conseils. Si vous avez l’occasion de l’écouter lors d’un de ses passages en France, vous découvrirez un homme modeste et simple, surpris de voir tant de monde s’intéresser à lui, qui s’excuse presque de son succès. On n’est pas obligé de le croire, de le suivre, mais avouons que certaines de ces réflexions sont pertinentes, ses conseils efficaces, ses livres accessibles à tous… En fait, je serais tenté de dire qu’il est profondément humain, logique, clair, adapté à la vie quotidienne, profond, spirituel pour reprendre un adjectif qu’aimait bien utiliser André Malraux.

Un de ses thèmes majeurs est la gratitude. L’apprentissage de la gratitude est un pilier de l’éducation dont le premier niveau est connu de tous, enfin devrait être connu de tous : dire merci ! Mais nous, les parents, savons bien que ce n’est pas s simple d’apprendre aux enfants à dire merci…

Dans cet apprentissage basique, il y a trois niveaux. Celui de savoir, celui de comprendre et celui d’agir. Savoir car dès le plus jeune âge l’enfant doit apprendre qu’il faut dire merci chaque fois qu’il reçoit quelque chose. Cette chose peut être matériel comme un objet, un aliment, mais elle peut être d’une autre nature comme un service, un sourire, un temps de partage ou d’écoute. A chaque fois, il faut remercier. Bien sûr, savoir cela ne suffit pas mais c’est bien l’étape indispensable pour aller plus loin. Trop de jeunes – et moins jeunes aussi – ne savent pas cela parce qu’on ne leur a jamais appris, jamais dit, jamais montré ! Ils s’installent alors dans une vie d’ingratitude totale, étape d’insociabilité dramatique…

Savoir ne suffit pas. Il faut comprendre pourquoi il est important de dire merci. Or c’est difficile à faire comprendre à un enfant qui est considéré comme un roi, comme le centre de l’univers, comme la prunelle des yeux de ses parents… Ce ne sont pas que des mots, même s’ils relèvent de la banalité quotidienne ! Un enfant doit comprendre ce qui le relie aux autres, que rien n’est jamais dû, qu’il faut tout prendre comme un don… La source du don sera selon les circonstances, selon les croyances, Dieu, la Nature, le Hasard, les Autres… L’être humain sera alors successivement receveur et donneur, la gratitude étant une sorte de lien entre les deux positions humaines.

Mais savoir et comprendre ce n’est rien, c’est creux, c’est vide. Ce qu’il faut c’est faire ! Agit ! Dire merci ! Ecrire et chanter sa gratitude ! Et, cela, il faut le faire une première fois, le répéter, l’intégrer, l’assimiler, ne jamais l’oublier…

Tal Ben-Shahar, dans le processus de sa psychologie positive, parle d’exercices. Dans le cas de la gratitude, en dehors de dire merci chaque fois qu’il y en aura besoin, il préconise, comme d’autres grands maitres spirituels avant lui comme Ignace de Loyola, de prendre le temps de « s’entrainer » quotidiennement. Il faut prendre le temps, une fois par jour, d’écrire tous les mercis pour ce que nous avons vécu dans la journée. L’effet est multiple. D’une part on prend conscience de tout ce que l’on reçoit en une journée, de tous ceux que l’on a oublié de remercié pour ce qu’ils nous ont apporté. Cela nous pousse, d’autre part, à mesurer le positif d’une journée et non le négatif, le stress, l’angoisse. Cette spirale positive nous apportera, sinon le bonheur, au moins cette sérénité qui nous manque souvent et certains recherchent à travers quelques cachets, le soir avant de se coucher. Enfin, cela donne le beau rôle aux autres et ouvre l’enfant à la société toute entière, de sa famille à son quartier, de son école à sa ville, de son équipe de sport à l’humanité entière !

Pour cela, il faut progressivement le faire passer du « merci » à la « gratitude » totale : merci pour cela car cela m’a fait grandir, m’a rendu meilleur, plus heureux et j’ai découvert ainsi que tu avais, toi l’autre, beaucoup de valeur à mes yeux, dans mon cœur, dans ma vie… Pour atteindre ce résultat, on peut accompagner l’enfant au départ, puis le pousser à écrire des lettres de gratitude.

Je me souviens, quand j’étais jeune, d’une coutume, au moins dans ma famille, celle d’écrire une lettre de remerciements à la personne qui nous avait reçu chez elle quelques jours durant les vacances, que ce soit une tante ou la maman d’un ami. Au départ, ce n’était pas si facile que cela, reconnaissons-le, mais avec le temps et un peu d’effort… J’ai compris au fur et à mesure tous les avantages d’une telle lettre. Tout d’abord, dire merci à la personne qui venait de nous donner du temps, qui venait de nous offrir quelques jours de vacances avec des amis ou des cousins, première étape du merci ! Mais c’était aussi l’occasion de créer un lien assez fort avec un adulte qui changeait de statut à nos yeux. On le faisait entrer dans une certaine intimité, celle de ceux dignes de recevoir une lettre de nous, pauvre enfant. Quand on regarde cette perception des faits avec distance, on doit bien avouer que c’est surtout l’adulte qui intégrait dans son cercle l’enfant. Non ? Oui, une véritable relation se mettait en place avec une réciprocité étonnante, nouvelle, profonde. J’ai ainsi un ami qui est resté attaché à mes parents durant des années, ils savaient les trouver surtout quand il avait des difficultés… Avec ces lettres, formelles au départ, nous changions de groupe. On était enfant et voilà que nous pouvions nous adresser aux adultes, leur dire des choses qui étaient personnelles, intimes, privées. Pour un peu, on devenait presque des adultes. Et, alors que les premières lettres étaient difficiles à écrire, voilà qu’elles devenaient de plus en plus longues, profondes, et cette gratitude devenait tout simplement naturelle…

Comme toutes les habitudes, on peut les perdre très vite et il faut les cultiver toute notre vie. Toutes les études le montrent, la gratitude améliore les relations entre les êtres humains, dans la famille, dans la sphère amicale, à l’école, dans l’entreprise, dans les associations… Je dis bien « études » car la psychologie positive à l’américaine de Tal Ben-Shahar s’appuie sur des études, des sondages, des enquêtes. Oui, science humaine ne signifie pas abandon des méthodes scientifiques ! Donc, puisque les résultats sont là, il nous faut redécouvrir cette gratitude, la cultiver et, surtout, la transmettre à nos enfants. C’est peut-être là un des piliers du bien vivre ensemble !

Voilà donc un des points que l’on peut découvrir dans les livres de Tal Ben-Shahar. Certes, les livres n’apprennent pas beaucoup. Ils stimulent, rappellent à l’ordre, font comprendre, aident à la mémorisation… Il manquera toujours l’exemple – celui des parents en tout premier lieu – et le passage à l’acte – qui commencera avec les exercices quotidiens – les deux poussant votre enfant avec douceur dans l’univers de la gratitude, première étape du bonheur accessible à tous !

Choisir sa vie, Tal Ben-Shahal, éditions Belfond
L’apprentissage du bonheur, Tal Ben-Shahal, éditions Pocket