05.09.2014

Projet de loi relatif à l'adaptation de la société au viellissement

La question du vieillissement et de la dépendance, bien qu’annoncée depuis longtemps comme un enjeu de société, souffrait encore du manque d’engagements politiques et des moyens nécessaires à sa prise en charge. Un texte de loi nous a été promis à de multiples reprises ces dernières années, sans aboutir. La loi d’orientation est donc aujourd’hui une bonne nouvelle. Familles de France l’accueille avec anticipation, et en attend beaucoup.

Le vieillissement de la population ne doit pas être considéré comme un phénomène négatif :

  • Si nous vieillissons, nous travaillons également plus longtemps et restons donc vieillissants actifs ;
  • Notre pays peut se targuer de présenter, outre son vieillissement, un des taux de natalité les plus importants d’Europe ;
  • Enfin, nous ne vieillissons pas tous dépendants.

Si l’on ne les isole pas du reste de notre société, les séniors y prendront toutes leur place à côté des autres générations.

La dépendance est un sujet au cœur de l’action des associations familiales tant elle souligne l’importance des solidarités familiales et des relations intergénérationnelles, qui sont la raison même de notre engagement.

Un sujet donc par essence familial, mais qui en appelle également à la solidarité nationale. En effet les familles qui sont confrontées à la perte d’autonomie d’un proche ont pu en constater le coût, bien supérieur à ce qu’elles peuvent prendre en charge (que l’on considère les pensions de retraite ou les aides des proches). La dépendance coûte cher et sans la solidarité nationale certaines personnes âgées courent le risque de n’être pas prises en charge, de rester isolées, ou de vivre dans des conditions indignes.

Bien que soucieux de la situation des finances publiques, Familles de France reste donc exigeant quant aux moyens qui doivent être dégagés pour rendre ce texte effectif. Tout en nous félicitant d’une loi d’orientation sur le vieillissement, nous nous inquiétions de son financement (645 millions/an issus de la CASA), qui nous semblent insuffisants compte-tenu des besoins des familles. 

Patrick CHRETIEN,
Président de Familles de France


  • La prévention :

Si vieillir est inéluctable, la dépendance ne doit pas être et n’est pas une fatalité. C’est donc vers le « bien vieillir » que les efforts doivent être orientés. Nous sommes à ce titre rassurés de voir que le terme « prévention » apparait très tôt dans le projet de loi (article 3).

La santé, l’aménagement du domicile, … sont autant d’efforts de prévention nécessaires. Familles de France souhaite que soient en plus soulignées deux considérations importantes :

  1. La prise en compte des inégalités face à la dépendance :

Nous ne sommes en effet pas tous égaux face aux risques de dépendance : travail pénible, isolement, santé, etc. Inégalités salariales, niveau de vie, impactent la capacité à faire face à la dépendance quand elle survient. Prévenir la dépendance, c’est donc lutter contre les inégalités et les fragilités tout au long de la vie.

  1. La prévention au plus tôt :

Programmes de sensibilisation, information… s’il n’est jamais trop tard, il n’est pas non plus trop tôt pour informer et prévenir. La prévention au plus tôt c’est la meilleure façon pour chaque génération d’apprendre à accepter et d’intégrer les plus âgés, pour les plus jeunes d’apprendre à être solidaires des moins autonomes.

  • Le vieillissement actif et la valorisation de l’engagement associatif :

En tant que mouvement associatif, Familles de France ne peut que se réjouir des articles 9 et 10 qui visent à valoriser l’engagement associatif et bénévole via une attestation de tutorat aux séniors qui encadrent un jeune en service civique, et le volontariat civique sénior.

Nous pouvons effectivement témoigner de nos nombreux bénévoles, qui transmettent aux plus jeunes et accompagnent les plus âgés : car sans les bénévoles beaucoup de situations à risque de dépendance ou d’isolement ne seraient pas prises en charge.

  • La réforme de l’APA :

La revalorisation de l’APA comme prévue à l’article 29 (revalorisation des plans d’aide et baisse du reste à charge) est fondamentale pour l’accès aux prestations de service à domicile et pour soulager les familles de leur reste à charge.

Mais pour Familles de France, la question du financement reste inquiétante et insuffisante. Nous soutenons le libre choix de la personne âgée dépendante de vieillir à domicile : les services à la personne en sont un élément essentiel. Or tous les voyants du secteur sont au rouge.

- On sait en effet qu’à l’origine de l’allocation l’Etat s’engageait à en financer 50%. Le constat est connu : ce n’est pas le cas, la plus grande partie de la charge en incombe aux départements. Cela n’augure rien de bon quant à la pérennité de la prestation.

- Le gel annoncé des pensions de retraite ne fait que rendre plus difficile pour les personnes âgées la prise en charge de leur propre dépendance.

- Nos adhérents déclarent de plus en plus de difficultés à obtenir de l’aide des CARSAT, et les départements eux non plus n’ont plus beaucoup de moyens.

Les personnes âgées ne peuvent pas faire effectuer le nombre d’heures qui leur seraient nécessaires : cette situation ne fait qu’aggraver le risque de travail au noir qui fragilise encore les professionnels des services à la personne mais aussi la personne âgée en situation de vulnérabilité.

Familles de France souhaite que la réforme de l’APA ne s’arrête pas à sa revalorisation, et soutient la proposition du CESE qui, dans son avis sur le présent projet de loi (en mars 2014), conseillait notamment de réformer la grille AGGIR en s’inspirant du guide d’évaluation des besoins de compensation de la personne (système GEVA) utilisé pour évaluer les situations de handicap. GEVA prend en effet mieux en compte les besoins en fonction du projet de vie de la personne, puisqu’est annexé à l’enquête multidimensionnelle le document (projet de vie) où la personne handicapée exprime elle-même ses souhaits et ses attentes. Ce type de démarche aurait une véritable plus-value en termes de respect des droits et libertés des personnes âgées.

Est également à noter que le premier volet d’analyse de GEVA est axé autour de l’environnement humain, familial et social de la personne, une caractéristique qui pourrait fort logiquement être également mieux intégrée dans l’analyse des besoins pour l’APA.

Le maintien à domicile ne doit pas devenir le confinement à domicile : Familles de France insiste également pour que la question des transports soit toujours comprise dans les prestations à domicile.

Les obstacles aux déplacements et aux transports sont de fait porteurs de risques : isolement et rupture du lien social, non-accès aux soins, arrêt de l’activité physique et intellectuelle… tous susceptibles d’aggraver la perte d’autonomie.

  • Les proches aidants :

Le projet de loi reconnait et valorise le rôle des « aidants familiaux », redéfinissant ces derniers sous la dénomination de proches aidants (article 35), qui inclut la famille et les proches non familiaux avec qui sont maintenus des liens étroits et stables et qui vient en aide régulière et fréquente à la personne âgée.

Le rôle des proches est essentiel dans la perte d’autonomie : ils sont souvent le premier relais et l’aide principale de la personne dépendante. Familles de France ne peut que se satisfaire de toute proposition qui permettra de mieux les accompagner.

Mais au-delà de l’appellation générique de proche aidant telle que définie ici, Familles de France insiste sur le caractère particulier des aidants familiaux, qui ne doit pas être occulté :

- Dans la logique de la loi (obligation alimentaire), et dans les faits : l’aidant est avant tout familial.

- Au sein-même de la famille, tous les proches n’ont pas le même rôle. Il est important de ne pas nier les besoins spécifiques de certains aidants : par exemple on constate que les conjoints aidants sont souvent plus âgés, plus isolés aussi, ou déjà fragilisés et plus à risque de dépendance eux-mêmes, alors que les enfants aidants eux doivent souvent conjuguer leur rôle d’aidant avec leur activité professionnelle et sont alors parfois moins présents au quotidien mais jouent un rôle de coordinateur de l’ensemble des intervenants auprès de leurs parents…

- L’aide aux aidants doit être une démarche proactive : les aidants sont très peu souvent dans une démarche de demande d’aide pour eux-mêmes, et mettent systématiquement en avant le proche dépendant. S’ils ne vont pas chercher cette aide, elle doit donc leur être proposée de manière systématique. La mise en place d’un plan d’aide doit proposer en parallèle à l’aidant un ensemble d’interventions pour l’accompagner pour lui-même.

Familles de France se félicite qu’un droit au répit soit mis en place par l’article 36 :

- non seulement pour les aidants (pour qu’ils puissent mieux récupérer et ainsi accompagner de manière adaptée leur proche dépendant),

- mais aussi pour les personnes âgées dépendantes pour qui les expériences de répit et d’accueil de jour se sont montrées efficaces comme espaces transitionnels qui facilitent par la suite l’accueil en établissement lorsqu’il est rendu nécessaire.

On comprend que la personne âgée en situation de fragilité puisse avoir du mal à quitter son accompagnant familier, et il n’est pas rare non plus que l’aidant lui-même se sente « en faute » d’abandonner son proche : s’il faut encourager le répit, en premier lieu en créant le nombre de places et de structures, il faut donc aussi accompagner et mieux informer en amont. Le passage de relais d’un proche aidant au lieu de répit n’est en effet parfois pas simple, et pour qu’il soit mis en place efficacement, il faut qu’il soit préparé.

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