12.08.2014

Le cannabis - article 1

Pourquoi les parents doivent s’appliquer à prémunir leurs enfants du cannabis.

Le cannabis / chanvre indien poursuit à grands pas l’intoxication de notre jeunesse. Il est aidé en cela par des démissions, des non dits, ou des mal dits, émanant de responsables publics, de médias, d’éducateurs, de certains membres du corps médical ; quand ce n’est pas de parents, qui ayant échappé à ses maux les plus graves, se font les spectateurs indifférents, voire même les complices de cette contamination. Pourtant cette drogue n’est pas une « drogue douce », contrairement aux allégations mensongères de ceux qui sont à la manœuvre pour obtenir sa légalisation. Il s’agit d’une drogue lente, insidieuse, aux effets multiples et aux méfaits nombreux.

 Les produits en circulation, la plante elle-même (marijuana / « herbe » / « beuh ») ou sa résine obtenue par son battage, agglomérée par des ingrédients variés et parfois intrinsèquement toxiques, le haschisch ou « shit », par le jeu de sélections génétiques, ou parfois même de manipulations génétiques, comportent des taux de son principe actif majeur, le tétrahydrocannabinol (THC), 4 à 10 fois plus élevés que ceux qui prévalaient il y a une trentaine d’année.

 Ce THC a cette singularité, parmi toutes les drogues, de se stocker très durablement dans l’organisme, au sein des tissus riches en graisses / lipides ; dans le cerveau, en particulier, car il compte parmi les organes les mieux irrigués par le sang. Quand le THC disparait du sang, il ne disparait pas de l’organisme ; il va se concentrer dans les lipides cérébraux. Le THC d’un joint perdure une semaine dans le cerveau ; et celui apporté par de nombreux joints s’attarde pendant presque deux mois dans l’organisme. Si son action, dans ses expressions les plus bruyantes, n’est surtout perçue que pendant une demi douzaine d’heures (ivresse, délire, hallucination, troubles de l’équilibre et de la coordination des mouvements…) des effets plus discrets, ce qui ne veut pas dire anodins, durent plusieurs jours (troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration, du traitement des informations, de l’éveil, de la réactivité …).

On dénombre dans notre pays 1.500.000 « usagers réguliers de cannabis », i.e. de sujets qui consomment au moins un « joint » tous les trois jours, ce qui, eu égard à la longue rémanence d’action du T.H.C., correspond à une dépendance, à une addiction à cette drogue, puisqu’ils sont en permanence soumis à un certain niveau d’imprégnation par le THC. Ce besoin de consommer se satisfait, en dépit des risques judiciaires associés à cette consommation, ce qui atteste de la force de l’accrochage. Au fil de l’usage, en fait de l’abus, une tolérance s’installe ; elle incite le cannabinophile à accroître la dose et la fréquence de sa consommation. On dénombre ainsi près de 600.000 individus consommant chaque jour un ou plusieurs joints (parfois une vingtaine).

Sur les 28 états membres de l’Union Européenne, la France est le pays le plus consommateur de cannabis. Il s’y abat prioritairement sur notre jeunesse, à la période de l’adolescence, qui correspond à une période de grande vulnérabilité. « Plus tôt l’essayer c’est plus vite l’adopter et plus intensément se détériorer ». Les empreintes précoces laissent des cicatrices durables. Les habitudes précoces sont tenaces, au point de pouvoir empoisonner la suite de l’existence. Il faut capitonner, protéger, autant que faire se peut, le parcours de l’adolescence, bien planter le tuteur sur lequel doit s’effectuer sa croissance. « Prendre un enfant par la main, pour l’emmener vers demain » (Y. Duteil), j’ajouterais, en s’appliquant à n’en point faire un shooté, un camé, un paumé, un marginal, un bénéficiaire à vie d’allocations de survie. Plus tôt s’adonner au cannabis, c’est plus intensément se détériorer. Paraphrasant La Fontaine, dans Les animaux malades de la peste, « ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », on constate que le cannabis tue parfois et que ceux qui n’en meurent pas, en sont tous, au moins à un certain degré, marqués.

Oui le cannabis peut tuer, non par surdose/overdose, mais il tue sur la route. Une étude déjà ancienne (dite SAM, Stupéfiants et accidents mortels de la route) a révélé que plus de 300 morts sur les routes de France étaient imputables, cette année là, à la seule consommation de cannabis. Elle montrait aussi que l’association très malencontreuse de l’alcool et du tabac, multipliait par 14 le risque d’un accident mortel de la route. Les contrôles systématiques pratiqués depuis lors, et qui enfin ne sont plus tous occultés par des médias (ayant de longue date des complaisances pour cette drogue), montrent que l’empreinte du cannabis dans l’accidentologie routière et en milieu professionnel est bien plus importante qu’elle a été présentée.

Le cannabis, après avoir donné à son utilisateur l’impression qu’il développait des effets antidépresseurs et l’avoir incité, de ce fait, à une consommation débridée, non seulement perd cet effet, mais fait réapparaître la dépression bien plus intense qu’elle était à l’origine ; avec, en embuscade, le risque suicidaire. Madame Marie Choquet, épidémiologiste (INSERM) exploitant les fiches remplies par nos jeunes appelés aux Journées d’appel pour la défense (JAPD) a montré l’existence d’une corrélation importante entre l’importance de la consommation de cannabis et les idées suicidaires / tentations suicidaires / tentatives de suicide. Le risque suicidaire est aussi présent chez celui/celle qui, sous l’influence du cannabis, a ruiné son cursus éducatif, n’a pas réalisé ses projets, ses ambitions, a détruit ses relations et qui, le réalisant, ne voit d’autre issue à son drame personnel qu’en attentant à ses jours.

Le cannabis, par ses effets désinhibiteurs, peut conduire à des comportements auto- ou hétéro-agressifs, qui peuvent être létaux. Sa responsabilité est souvent en cause dans divers crimes « inexplicables ». Il incite à des prises de risque, tels des rapports sexuels non protégés qui peuvent transmettre des hépatites graves (B ou C) ou encore le SIDA.

Le cannabis entretient d’étroites relations (nous allons y revenir), avec la schizophrénie (la folie, au sens commun de ce terme), or 10% des schizophrènes meurent de mort violente (suicide). C’est, souvent sous l’empire du cannabis, qu’ils se livrent à des agressions que les médias restituent en se gardant bien de relater cette association.

Le cannabis incite à la consommation d’autres drogues, beaucoup de ses consommateurs n’en restent pas là, il faut donc aussi lui imputer la responsabilité de certaines overdoses.

Il ajoute beaucoup à la toxicité du tabac, en générant 6 à 8 fois plus de goudrons cancérigènes et davantage d’oxyde de carbone. Le tabac, seul, est à l’origine de 73.000 morts par an en France, i.e. de 200 morts par jour, y ajouter le cannabis c’est jouer au « qui dit mieux ».

Le cannabis incite à la consommation d’alcool. La société arabo-musulmane qui s’est développée dans des régions où pousse facilement le chanvre indien a mis un interdit très fort sur l’alcool. Notre pays qui macère dans l’alcool n’a aucune place pour absorber en sus le cannabis. L’alcool est à l’origine dans notre pays de 49.000 morts par an (10 fois plus que la route).

Le cannabis est incriminé dans le déclenchement d’artérites et d’accidents vasculaires cérébraux chez des sujets jeunes, ainsi que d’une variété agressive du cancer du testicule (le germinome non séminome) ; il apparaît en troisième rang du déclenchement d’infarctus du myocarde.

On a vu ainsi que le cannabis peut tuer. Il peut aussi rendre idiot, ou du moins plus bête que l’on ne serait si l’on n’en consommait. Le THC perturbe au long cours la mémoire de travail ; la mémoire opérationnelle, l’éveil, l’attention, la capacité de traiter l’information pour se focaliser sur ce qui est pertinent, pour mémoriser, ce qui a du sens ; bref pour édifier une culture. L’échec scolaire, de plus en plus fréquent, porte largement la marque de l’intoxication cannabique. La France, qui est parmi les pays consacrant le plus de moyens pour l’éducation de ses enfants est à une place peu enviable (27ème rang) dans le classement PISA (comparaison mondiale des performances éducatives d’environ 70 états). Une étude vient de montrer que l’usage chronique du cannabis, débuté à un âge précoce, aboutit à une réduction importante du quotient intellectuel (8 points).

Plus graves encore sont les relations désormais avérées du cannabis et de la schizophrénie. Dès 1853, un aliéniste célèbre J.-J. Moreau de Tours, l’avait constaté et exprimé dans un livre « Du cannabis et de l’aliénation mentale ». Depuis 1980 les études se sont multipliées avec des résultats très convergents. En Suède, S. Andreasson et collaborateurs, à partir des 50.000 conscrits de l’année 1971, qui seront suivis ultérieurement pendant 10 ans, ont montré que le fait d’avoir fumé plus de 50 joints, en tout, avant l’âge de la conscription, avait multiplié d’un facteur 6 leur risque de devenir schizophrène. En Nouvelle Zélande, M.-L. Arsenault, étudiant une cohorte de 1000 gamins ayant débuté une consommation de cannabis entre 12 et 15 ans, a constaté qu’à l’âge de 18 ans 10% d’entre eux (donc 100 sujets !) étaient schizophrènes à 18 ans. Il existe de fait une très forte surreprésentation de fumeurs de cannabis chez les schizophrènes. L’accroissement de leur consommation est contemporaine des accès évolutifs de leur maladie ; la consommation de cette drogue crée une résistance à leurs traitements et explique souvent leur possible dangerosité. Mais, d’ailleurs, comment s’étonner qu’une drogue qui induit par elle-même, délire et hallucinations, les manifestations caractéristiques de la schizophrénie, n’ait pas de relations étroites avec cette affection.

Les informations précédentes sont, pour nombre d’entre elles, terrifiantes, en dépit de mon application à ne pas forcer le trait, pour n’être pas taxé de caricaturer. Hélas, comme ces données contreviennent aux menées de consommateurs, qui militent pour la légalisation de cette drogue, elles sont, comme la poussière, repoussées sous le tapis. Quand elles finissent par déborder, elles sont alors contestées, relativisées, raillées, les grands mots sont lâchés « stigmatisation », « diabolisation »….Pourtant, quand on les tient pour avérées, à partir de la multitude de publications qui les établissent, on se doit de les révéler au plus large public possible. « Il n’est de richesse que d’Homme » ; complétant J. Bodin j’ajouterais : d’Homme en bonne santé physique et psychique, bien inséré dans une société à laquelle il donne le meilleur de lui-même, au service de sa famille et de ses concitoyens.

Cette société devant prendre en charge ceux qui n’auront pas pu / pas su résister aux drogues, elle doit tout faire pour en réduire le nombre. Cette prévention doit d’abord s’exercer au niveau familial. Dans un prochain article je m’appliquerais à évoquer quelques conseils et pistes à considérer

*Le centre national de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies a pour devise fondatrice : « S’il est important de se préoccuper de l’état de la planète que nous léguerons à nos enfants, il l’est plus encore de se préoccuper de l’état des enfants que nous léguerons à cette planète

 

Professeur jean Costentin

Président du Centre National de Prévention, d’Etudes et de Recherches sur les Toxicomanies

(CNPERT)