06.12.2021

Violences genrées : Éduquer les jeunes

Les différents confinements dus au Covid ont mis en lumière sur la place publique les violences intra-familiales et notamment les violences faites aux femmes. Sujet dont la société a longtemps détourné les yeux car perçu comme relevant de la sphère privée voire intime.

Aujourd’hui, on ne peut plus rester distant face à ce problème, car les chiffres sont édifiants : 125 décès lors de violences conjugales en 2020, 82 % des auteurs sont des hommes. Le Grenelle contre les violences conjugales lancé le 3 septembre 2019 a permis de mettre en place un certain nombre de mesures telles que le renforcement des dispositifs de protection des victimes ou un meilleur suivi des auteurs de violences conjugales.

La stratégie nationale de lutte contre les violences conjugales vise aussi à « éradiquer dès le plus jeune âge ces stéréotypes sexistes qui contribuent à la reproduction de ces violences, et abaisser le seuil de leur tolérance dans la société».

En effet, pour prendre le problème à la racine, il convient logiquement de s’interroger sur la mise en place d’une meilleure éducation des jeunes générations sur l’égalité fille et garçon. L’enjeu est primordial : il s’agit de lutter contre le sexisme, terreau des violences faites aux femmes.  Le Haut Conseil de l’égalité femme homme, dans son rapport paru en 2020, rappelle sa définition du sexisme :

" idéologie qui repose sur l'infériorité d'un sexe par rapport à l'autre, mais aussi un ensemble de manifestations des plus anodines en apparence (remarques, plaisanteries, etc.) aux plus graves (viols, meurtres) qui ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter les femmes et entraînent pour elles des effets en termes d'estime de soi, de santé psychique et physique et de modification des comportements".

 

Mieux éduquer à la maison

  • Etre vigilant à l’environnement des enfants

Dès le plus jeune âge, l’éducation des enfants devrait être orientée pour ne pas véhiculer des stéréotypes sur le genre. Familles de France a d’ailleurs signé en 2019 la Charte transmise aux professionnels du jouet pour mettre fin au marketing genré. Force est de constaté que 2 ans après, il reste beaucoup de packaging roses ou bleus, même si un effort a été fait sur certains produits.

De même, il est indispensable d’ouvrir le débat et d’avoir des discussions avec ses enfants sur les livres ou les films qu’ils peuvent lire ou voir : certains contenus datent d’une époque où le sexisme était partout. Par exemple, des histoires où la mère était au foyer et le père au travail (« Martine fait la cuisine ») ou des récits dont les figures féminines sont soit purement secondaires, soit le sujet principal mais en restant passives et toujours secourues (Blanche-neige pour ne citer qu’elle).

  • Porter un modèle parental

L’éducation passe aussi par l’exemple, il est donc important que les modèles parentaux dont bénéficient les enfants puissent être porteurs d’une certaine égalité : l’enfant peut voir qu’il y a une vraie équité dans le couple parental si le père et la mère participent pareillement aux tâches ménagères. Au contraire, si le père ne fait qu’aider la mère dans ses tâches quotidiennes, le message transmis à l’enfant sera clairement loin de l’égalité homme et femme.

Ce sont surtout les pères qui transmettent à leurs fils le respect des femmes, l’éducation sur ce sujet se fait principalement à la maison. Si un garçon entend régulièrement son père faire des blagues machistes (« c’est l’histoire d’une blonde ») ou des réflexions misogynes (« femme au volant ») il est alors certain que les schémas de pensées où la femme est inférieure à l’homme se perpétueront.

Le mouvement peut être inversé si les pères inculquent à leurs fils les valeurs de l’égalité homme/femme. Il est aussi du devoir des pères d’arrêter de transmettre des stéréotypes faux et des croyances limitantes sur l’image du masculin, qui devrait être fort, viril, bagarreur, qui ne montre pas ses émotions.  Il est temps que les jeunes garçons puissent avoir des pères qui valorisent des qualités comme l’empathie, la douceur, et l’écoute.

La Fondation des femmes lance à ce sujet une campagne de sensibilisation

#TuSerasUnHommeMonFils

Mieux éduquer à l’école

  • Sensibiliser les élèves

Maryse Jaspard, responsable scientifique de l'enquête nationale sur les violences envers les femmes, regrette que l’éducation sexuelle à l’école soit limitée à l’usage du préservatif; elle souhaite que le thème de la relation amoureuse incluant les questions du respect et du consentement soit traité aussi. Il est impératif d’intégrer que les violences ne sont jamais justifiées.

En dehors de l’enseignement à proprement parler de ce sujet, des supports peuvent également diffusés aux élèves comme des vidéos, expliquant en quoi certains comportements peuvent être sexistes sans qu’ils en aient conscience.  La différence d’appréhension entre filles et garçons notamment dans le rapport à la sexualité est toujours très présente, surtout chez les adolescents : les réseaux sociaux et la culture de l’apparence chez les jeunes n’ont rien arrangé, au contraire. Les filles sont plus que jamais considérées par et pour leur apparence.

Aujourd’hui, les jeunes se font une représentation de la sexualité notamment à travers la pornographie : l’image de la femme y étant dégradée et « objectalisée », on comprend pourquoi 60 % des adolescentes se disent victimes de violence dès leurs premières relations amoureuses. La question du consentement, des limites, du droit à l’image et du rapport au corps de l’autre sont très floues pour les adolescents.

Les jeunes ont besoin de repères en matière de relation amoureuses et sexuelles.

https://www.sexismeparlonsen.fr/   

L’actualité ces derniers mois a ainsi illustré des faits divers de viols ou d’agressions sexuelles dans des soirées étudiantes des grandes écoles. Plus de mille adolescents sont impliqués tous les ans dans de tels cas, un chiffre en hausse de 50 % en dix ans.

  • Former les enseignants et le personnel d’éducation

Il est tout aussi important que les adultes intervenant dans le cadre scolaire soient formés sur la question de l’égalité fille et garçon. Des formations peuvent être dispensées par des experts sur le sujet comme Amandine Berton-Schmitt du Centre Hubertine Auclerc, qui explique que la loi prévoit déjà que les enseignants doivent être formés sur ce sujet, mais que les moyens ne suivent pas (loi de 2010 sur les violences contre les femmes, loi de 2013 sur la refondation de l’école et loi 2014 pour l’égalité réelle).

Elle précise que les formations sont nécessaires afin «d'analyser des micro-processus inconscients pour déconstruire les biais sexistes.»

  • Editer des manuels scolaires permettant une égalité entre les femmes et les hommes.

Même si des efforts ont été fait ces dernières années afin d’améliorer le contenu des ouvrages qui donnent des réelles explications sur le sujet des inégalités hommes et femmes, il reste des lacunes sur les représentations des figures féminines. En effet les figures masculines sont représentées à plus de 60 % dans les ouvrages scolaires (selon  l'étude de représentation sexuées et sexistes dans les manuels de lecture édité par le centre Hubertine Auclerc).

En dehors du champ de la famille, c’est toute la société qui doit mettre en place des actions pour lutter contre les violences faites aux femmes, tel que l’a initié le mouvement Metoo. Ainsi la Commission européenne va prochainement faire une proposition de loi sur la lutte et la prévention des violences basées sur le genre et des violences conjugales. Cette proposition a pour finalité d’uniformiser les lois des différents pays européens afin de lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.

Au final, à qui incombe la tâche d’éduquer les plus jeunes à l’égalité des sexes ? Un adolescent peut-il s’instruire dans un autre espace que le monde scolaire ou le monde familial, auprès de personnes compétentes ?  N’est-ce pas à l’Etat de mettre en place des moyens plus conséquents pour permettre un accès complet à ce sujet ?

Il existe quelques structures publiques, mais encore trop peu, comme des espaces de vie affective relationnelle et sexuelle tels que les EVARS mis en place par le Planning familial.